Récit de pratique culturelle

L'espace public et l'espace privé au Monastère des Ursulines de Québec

Tradition: Christianisme
Appartenance: Catholicisme (rite latin)
Diocèse, association ou regroupement: Diocèse de Québec
Communauté religieuse: Ursulines de l'Union canadienne

Classé sous Pratique religieuse (9300), Prescription (9370), Espace (9372).

Historique général


La serrure de la porte conventuelle
© IPIR 2012, soumis à copyright


C'est à la fin du XIIIe siècle que la clôture papale est imposée aux ordres féminins. Officiellement, c’est le pape qui devait décider qui était admis dans le cloître. Il était cependant plus pratique que ce soit l’évêque qui prenne les décisions. Généralement, les personnes admises étaient des médecins, des ouvriers, parfois l’évêque (sous certaines réserves) et des personnes ayant obtenu une dispense (madame de la Peltrie, par exemple). Autrement, on recevait les gens de l'extérieur dans les parloirs.


Avec le Concile Vatican II, le décret Perfecta Caritatis sur la Vie religieuse (1965) assouplit considérablement les règles de la clôture. Les parloirs perdirent alors leur fonction première, celle d'être le lieu de transition entre l'espace privé et l'espace public. Si les ordres contemplatifs conservent encore aujourd'hui la clôture, les communautés apostoliques bénéficient d'un espace réservé aux religieuses tout en adaptant les lieux à leur mission particulière.


Description


Le tour dans le hall d'entrée
© IPIR 2012, soumis à copyright

Lorsque les Ursulines arrivent en Nouvelle-France, les religieuses sont cloîtrées. Le nouveau monastère doit assurer la séparation entre l'espace public et l'espace privé. Il fallait trouver un moyen d'en restreindre l'accès au public, tout en permettant certains échanges nécessaires et inévitables. C'est pourquoi on a toujours réservé au moins une pièce qui assurait la fonction de parloir. Ainsi, on pouvait gérer les relations avec le monde extérieur tout en assurant le respect des limites du cloître. Le parloir, constitué d'une pièce séparée en deux par une grille (représentant la clôture papale), est un élément essentiel du monastère. D'un côté de la grille, on retrouvait l'espace réservé aux visiteurs. De l'autre, il s'agissait d'un espace réservé au cloître. Les soeurs pouvaient ainsi entretenir un contact relativement restreint avec des gens de l'extérieur, un contact qui était géré par une grille à fois matérielle et symbolique.


Aujourd'hui, les ailes privées du monastère, réservées uniquement aux soeurs, sont les ailes Sainte-Famille, Saint-Thomas et Marie-de-l'Incarnation. On retrouve aussi une Aile des Parloirs, où l'on reçoit encore les visiteurs. Cependant, les grilles ont été enlevées, laissant la place à des arches qui rappellent la séparation plus sévère de jadis entre l'espace public et l'espace privé du monastère. 


La clôture


Dès les premières années du Monastère, une clôture de piquets de bois assurait une certaine intimité, même si les intrusions étaient fréquentes. Suite aux plaintes des soeurs qui ne voulaient pas que les gens se déplacent librement dans l’enceinte du Monastère, un mur d'enceinte en pierre fut construit en 1734.  Celui-ci ne s’étendait cependant pas devant l'aile des parloirs et cela entraînait des désagréments. En 1830,  une clôture de bois, ouverte le jour, est érigée afin de mieux contrôler l’accès aux parloirs et au dépôt. En 1890, la clôture en fer forgé que l’on voit encore aujourd’hui est installée.


La clôture du Monastère a un rôle plus psychologique que physique; elle permet de faire la distinction entre l’espace privé du cloître et l’espace public, entre la rue et le parloir.  Ainsi, les personnes qui circulent sur les terrains du Monastère doivent avoir une raison de le faire. Le passage n’est pas ouvert à tous, et c’est la clôture qui marque les limites de ce qui est accessible au public et de ce qui ne l’est pas.


Le tour et le hall d’entrée


Situé à l’endroit que l’on nomme aujourd’hui la réception (et que l’on appelait justement autrefois «le tour»), le tour est un mécanisme en bois, circulaire et pivotant, qui permet de faire passer des objets d’un côté à l’autre du mur du hall d’entrée du Monastère. Le contact avec l'extérieur était ainsi minimisé, les personnes ne pouvaient se voir ou se toucher, assurant encore une fois la séparation entre l’espace privé et l’espace public. Près du tour, une grille permettait aux personnes de se parler. Lorsqu’un visiteur arrivait au monastère, il devait donc se rendre à la grille pour parler à la réceptionniste (que l’on appelait la «tourière»).  On ne laissait évidemment pas entrer n’importe qui et le hall d’entrée, avec son accès direct aux parloirs, était le lieu où l’on «filtrait» les visiteurs.


Le hall d’entrée est aussi l’endroit où se trouvait et se trouve toujours la porte conventuelle. Il s’agit d’une immense porte en bois, qui s’ouvre seulement de l’intérieur. Elle possède deux serrures, dont les clés étaient chacunes gardées par deux personnes différentes. La porte conventuelle était ouverte pour des personnages importants auxquels on permettait l’entrée directe au Monastère. Il s’agissait, de plus, de la porte que franchissaient les candidates à la vie religieuse. Lorsque la porte se refermait derrière elles, elles renonçaient au monde. 


L’appartement de l’aumônier


Construit à l’époque de l'aumônier Thomas Maguire (1832-1854), l’appartement de l’aumônier sert à héberger un aumônier (que l’on appelait le «chapelain») de façon temporaire ou permanente. Il se trouve à l’étage de l’aile des parloirs, donc à l’extérieur du cloître, mais y est relié par une grille et un tour (accessible par la cuisinette de l’aile des parloirs).  Un escalier dans le hall d’entrée permet d'y accéder. L’aumônier a aussi un accès direct à la sacristie, mais ses appartements sont délimités de façon à ce qu’il demeure à l’extérieur du cloître.


La personne qui s’occupait de l'appartement de l’aumônier et du service de ses repas était une aspirante (une jeune fille laïque). Les soeurs n’avaient pas à traverser du côté de l’appartement. Si elles avaient affaire à l’aumônier, elles se servaient du tour, de la grille, ou d’une petite cloche (que l’on retrouve toujours du côté de la cuisinette).


Aujourd’hui, l’appartement de l’aumônier sert à recevoir des personnes importantes. C’est aussi à cet endroit qu’ont lieu les visites des soeurs supérieures. 


L'aménagement de l'espace, les objets et les pratiques coutumières du Monastère des Ursulines définissent les limites de l’espace privé, que l’on doit protéger afin de garantir la tranquillité des lieux et le respect du cloître. L'espace privé des religieuses est encore aujourd'hui protégé pour assurer une vie spirituelle en communion avec Dieu. La discrétion est de mise en tout temps et, même aujourd’hui on conserve le même état d’esprit quant au respect de ces délimitations.

Apprentissage et transmission


Le tour dans le hall d'entrée
© IPIR 2012, soumis à copyright

La pratique de la clôture est encore bien ancrée dans les us et coutumes de la communauté. Les religieuses plus âgées font encore référence au « tour » lorsqu'elles doivent se rendre à la réception du Monastère. Encore aujourd'hui, l'accès au cloître est toujours contrôlé. Les visiteurs sont d'abord reçus au parloir avant d'accéder à l'espace privé du monastère et du cloître.

Localisation

Municipalité: Québec
Région administrative: 03 Capitale-Nationale
Lieu: Monastère des Ursulines de Québec, 18, rue Donnacona, Québec, G1R 4M5
Site Web: http://www.museedesursulines.com
Ressources:

Le musée des Ursulines de Québec


Source

Soeur Jacqueline Fortier
Titre, rôle et fonction : Conservatrice du Monastère
Lien avec la pratique : Soeur Jacqueline Fortier a prononcé ses voeux il y a 75 ans. Elle a occupé, chez les Ursulines de Québec et de Loretteville, des fonctions d'enseignante, de directrice d'école (en tant que supérieure provinciale) et d'administratrice (en tant qu'économe).

Enquêteurs : Louise St-Pierre, Élisa Lachance
Date d'entrevue : 12 octobre 2011, 19 octobre 2011

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