Récit de lieu
Tradition: Spiritualité autochtone
Appartenance: Spiritualité autochtone (Innus-Montagnais)
Groupe: La communauté d'Uashat-Maliotenam
Paroisse, congrégation ou équivalent: La communauté d'Uashat-Maliotenam (Innus-Montagnais)
Classé sous Pratique religieuse (9300), Pratique rituelle (9320), Rite de purification (9324)
et sous Pratique religieuse (9300), Pratique de communication religieuse (9350), Prière (9352).
Les pierres utilisées dans la tente à suer
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La cérémonie de la tente à suer ou suerie est un rituel de la tradition spirituelle des Amérindiens, se déroulant dans un abri construit en branchages semblable à un sauna dans lequel on roulait des pierres chauffées dans un feu de bois. Cette pratique est un rite de purification et un moyen de communication avec les agents immatériels de la culture autochtone. Les Pères Jésuites dans leurs Relations de ce qui s'est passé en Nouvelle France en parle déjà abondamment. Dans la Relation de Lejeune (1637), le prêtre observa :
« Ils pratiquent le bain mais d'une façon très barbare; ils enferment de grosses pierres, chauffées à blanc, dans une petite cabane, ou 15 à 20 personnes entrent ensemble, s'asseoient comme des singes, serrés les uns contre les autres, et restent ainsi plusieurs heures durant, -s'épuisant, tout en chantant violemment, en sudation excessive; et à l'issue de cela, même au début de l'hiver, ils plongent dans un lac ou une rivière à moitié gelé, duquel, aussi ncroyable que cela puisse paraître, ils sortent sans encombre. Ils font cela par superstition, pour se purifier, pour la santé et par plaisir; c'est ainsi qu'ils se rafraîchissent et se revigorent au cours de leurs longs voyages, et préviennent la fatigue du retour.»
Aujourd'hui cette pratique est revitalisé et actualisé selon les besoins des communautés. Depuis 10 ans, la pratique communautaire est devenu de plus en plus familiale. Plusieurs familles possèdent leur tente à sudation.
Autrefois, la tente à suer était pour les autochtones d'abord un haut lieu spirituel pour se purifier l'âme, l'esprit et le corps. La fonction est encore la même aujourd'hui. Le ou les officiants qui accueillent les participants les préparent à la cérémonie par des prières et ceux qui le désirent peuvent jeûner.Pendant plusieurs jours les officiants amassent des pierres qu'ils assemblent en rangées tout autour d'un grand feu qui sera allumé tôt le matin de la cérémonie. Ces pierres sont chauffées toute la journée par un feu vif. Elles doivent garder leur chaleur jusqu'à la cérémonie qui a souvent lieu tard en fin de journée ou en soirée. En matinée, on prépare aussi la tente à suer qui recevra les pierres brûlantes dans un foyer central. Le soir venu, les participants entrent en s'assoient autour du feu central. Ils sont vêtus très légèrement. Les participants se présentent et s'ils le veulent disent pourquoi ils font une telle démarche. L'officiant fait des prières puis purifie les lieux et les gens en allumant de la sauge. On fait entrer une chaudière d'eau et une branche de sapin bénie. Les pierres chaudes sont entrées une à une. Elles représentent les grands-pères spirituels des Innus et on les salut ainsi: kwe kwe nimushuma. L'officiant lance de l'eau sur les pierres brûlantes avec une branche de sapin, ce qui produit de la vapeur. Il répète le geste à plusieurs reprises jusqu'à ce que tous les participants suent à grosses gouttes. Les participants prient à voix basse et parfois à voix haute. L'officiant récite des prières et chante parfois accompagné d'un tambour. Il fait appel aux esprits des ancêtres.La cérémonie dure environ deux heures et la porte de la tente est ouverte aux 30 minutes pour laisser respirer les gens et leur permettre de boire de l'eau. Chacun doit aller au-delà de l'inconfort et parfois la douleur causée par une trop grande chaleur, en entrant à l'intérieur de soi, en quête de son soi spirituel. On purifie son corps mais surtout son esprit. La prière et le tambour accompagnent cette cérémonie. S’il y a un lac tout près, certains s'y plongent à la sortie de la suerie.
Les femmes doivent entrer dans la tente en jupe longue pour cacher leurs jambes (pudeur). Elles n'y entrent pas si elles ont leurs règles. Ce n'est pas une question d'impureté, puisque pour les autochtones, la femme se purifie lors de ses règles. Elle n'a donc pas besoin d'une autre purification contrairement aux hommes qui ont toujours besoin de se purifier. Il est interdit de consommer de la drogue ou de l'alcool 24 heures avant la suerie. On suggère à quelqu'un qui a trop de mauvaises pensées, de régler ses problèmes avant d'entrer ou de s'abstenir de la cérémonie car des pensées négatives peuvent perturber la cérémonie. C'est pourquoi on offre un service d'écoute dans les jours précédents une tente à suer.
Il peut y avoir un officiant ou deux selon la grandeur de la tente et le nombre de personnes qui y participent. De 10 à 12 personnes s'entassent dans une petite tente. Certaines, mais elles sont rares, sont très bien emménagées et peuvent accueillir 20-25 personnes. On peut y recevoir une seule personne si elle en fait le demande.
La tente à suer est la plupart du temps construite derrière la cour d'une maison avec un petit foyer extérieur pour y faire chauffer les pierres. C'est une tente haute de 1 mètre 50 et d'un diamètre de 2 mètres (approx.). Une communauté peut aussi posséder une ou deux grandes tentes, qui ressemblent à des shaputuan pouvant recevoir des groupes plus nombreux.
Les plus anciens officiants ont appris grâce aux souvenirs des aniens et souvent par des voyages aux Étas-Unis ou dans l'Ouest Canadien. Depuis 10 ans, on trouve des familles qui possèdent leur propre tente à sudation et qui transmettent leur savoir et leur savoir-faire aux membres de leur famille et à leurs enfants. La transmission se fait par observation, écoute et action. On peut parfois offrir de la formation plus théorique à quelqu'un qui en fait la demande.
La suerie pratiquée aujourd'hui ressemble beaucoup à celle des ancêtres: la forme de la tente, les prières, le tambour, les objets de purification sont restés les mêmes. Le discours a changé en empruntant parfois diverses philosophies ou idéologies appartenant au courant Nouvel âge. On mélange des idées et des concepts de plusieurs nations autoctones américaines.
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Municipalité: Uashat
Région administrative: 09 Côte-Nord
Lieu:
Uashat
Jean-Guy Pinette
Titre, rôle et fonction : Il est un des conseillers élus (pour 4 ans) sur le Conseil de bande de Uashat mak Maniutenam.
Lien avec la pratique : Il peut maintenant officier dans les tentes à sudation.
Enquêteur : Jean-Louis Fontaine
Date d'entrevue : 10 novembre 2007
La réalisation de l’Inventaire du patrimoine immatériel religieux a été rendue possible grâce à l’appui de six partenaires: