Récit de pratique liée à un savoir-faire

La fabrication des icônes sur bois chez les Recluses Missionnaires

Tradition: Christianisme
Appartenance: Catholicisme (rite latin)
Diocèse, association ou regroupement: Diocèse de Montréal
Communauté religieuse: Recluses missionnaires

Classé sous Organisation religieuse (9200), Fabrication d’objets religieux (9290), Objet (9374)
et sous Organisation religieuse (9200), Communauté (9240), Pratique technique et artistique (9245).

Historique général


Icône de la Vierge
© IPIR 2009, soumis à copyright

La fabrication d’icônes repose sur une longue tradition dans les églises chrétiennes de l'Europe orientale et du Moyen-Orient, notamment dans les églises orthodoxes. Les premières icônes ont été, en grande partie, détruites par les iconoclastes, dans l'Empire byzantin. Ce fut surtout à partir du Ve siècle de notre ère que l'art de l'icône est devenu populaire à partir des nombreuses écoles qui ont su développer divers styles. Les plus anciennes icônes sont attribuées à l'évangéliste saint Luc qui a peint, entre autres, les célèbres Vierges de Tikhvine, de Vladimir et de Jérusalem.
L'icône appartient à un art conservateur qui ne s’est permis aucun changement spectaculaire au fil du temps, en raison des contraintes artistiques et des canons religieux qui règlent de façon rigoureuse la fabrication de ces objets de culte.
Au Québec, la fabrication des icônes est une forme d’art récente, qui a pris de l'ampleur avec le mouvement Second regard, entre les années 1980 et 1990. Ce fut surtout l'École russe d'iconographie qui a influencé l'art de la fabrication des icônes sur bois d'origine orthodoxe dans la province de Québec sous l'influence de sœur Denise Rioux, des Filles de Jésus. Pendant un an, sœur Rioux a étudié l'iconographie avec le révérend père Egon Sendler en Europe. À son retour, elle a commencé à donner des cours aux membres des diverses communautés religieuses de la province.
L'atelier de fabrication d’icônes sur bois des Recluses Missionnaires de Montréal est tributaire à la fois de sœur Denise Rioux et de M. Alexandre Chelekov. Pour sa part, sœur Jacqueline Poirier fut la première recluse à suivre une formation en fabrication d’icônes. C’est elle qui, depuis quelques années, transmet son savoir-faire à sœur Ginette Généreux, étant donné l’essor que connaît l'atelier du monastère en ce moment.

Description


Soeur iconographe au travail
© IPIR 2009, soumis à copyright

Le mot icône est d'origine grecque (« eikona »). Il signifie image. Dans la tradition de l'Église orthodoxe et de l'Église catholique orientale, l’icône désigne surtout la représentation visuelle, soit la gravure sur bois ou sur verre d'un personnage saint, notamment le Christ, la Vierge, les apôtres, les martyrs et les saints. Toute icône religieuse est un objet sacré de culte, devant qui l’on fait des gestes religieux ou à qui l’on confie des intentions de prière. La fabrication d'un tel objet est strictement régie par des contraintes artistiques de caractère religieux, qu'il s'agisse des couleurs, de la représentation des vêtements, des visages et des gestes corporels des personnages recréés. Ainsi, seules quatre représentations de la Vierge Marie sont permises, à savoir la Vierge de la Tendresse (dont le visage est tout près de celui de l'Enfant Jésus), la Vierge Hodigitria (dont la main gauche indique la Voie à suivre), la Vierge du signe (en « orante » auprès de l'Enfant en médaillon) et la Vierge de Kazan (alors que Jésus est représenté sur la croix dans le coin droit de l'icône). De la même manière, chaque personnage représenté est inscrit dans des canons précis de couleur, d'attitude et de gestualité. Les épisodes de la vie de ces personnages (l'Annonciation, la Nativité, la Résurrection) sont aussi soumis à des canons précis et à des modèles que les artisans respectent, même en innovant. Toutefois, chaque icône est unique et aucune n'est tout à fait semblable à l'autre.
Réaliser une icône dans l'atelier du monastère des Recluses de Montréal demande plusieurs dizaines d'heures de travail et, selon les procédés techniques, plusieurs semaine. Préparer la planche de bois exige entre 11 et 14 jours. Généralement, l’artiste préfère utiliser le tilleul, car ce bois est léger et facile à travailler. Il résiste au temps et ne présente aucune fissure. Le bois doit être bien sec et la planche bien sablée avant de la couvrir de trois couches de colle de peau de lapin. L’artiste ajoute une fine toile à la deuxième couche, faite de coton-fromage. Ensuite, de cinq à huit couches de «levka» sont appliquées sur la planche. Ce mélange blanc est constitué de colle de peau de lapin et de bicarbonate de calcium. Pendant les trois dernières couches, avec la paume de sa main, l'artiste frotte énergiquement l'oeuvre rendant lisse la surface de la planche. Un dernier sablage est requis avant de tracer légèrement les lignes du modèle dans le levka, à partir d’un modèle sur du papier-calque. En enlevant le modèle, l’artiste grave encore une fois le dessin dans le levka à l'aide d'un stylet et ensuite protège le contour intérieur avec de l'émulsion de jaune d'oeuf. Une fois le dessin gravé, l’iconographe applique deux ou trois couches de terre rouge ou bolus sur le contour extérieur du dessin, puis il sable et applique de la mixtion à dorer permettant à la feuille d'or d'adhérer à la planche. Généralement, l'or est de 22 ou 24 carats et est précollé sur des petites feuilles, ou est en or «libre» faisant appel à une technique plus difficile car elle remonte à des temps anciens. Une fois l'or appliqué, il est maintenant possible de peindre l'icône, à la tempera, et ce, en appliquant plusieurs couches ou trois ou quatre éclaircissements. L’artiste utilise des pigments naturels, ou extraits de minéraux (des ocres, des oxydes métalliques) ou d’animaux (noir d'ivoire), mélangés à des jaunes d'œuf, à de l'eau et à de l'alcool, lorsqu’il faut fabriquer l'icône et que le temps presse. L’ébauche de la peinture se fait en appliquant les teintes les plus sombres et en éclaircissant à mesure qu’on ajoute du blanc aux mélanges des couleurs. Pour la carnation (visage, mains et pieds), il faut utiliser une première couche de vert appelée «sankir». Pour le premier éclaircissement, on utilise de l'orangé et, pour le deuxième, de l'ocre jaune, auquel on ajoute du blanc pour éclaircir l'image jusqu'aux dernières lignes blanches. Ensuite, l'iconographe refait les lignes du dessin et, une fois l'icône terminée, il la protège à l'aide d'une préparation à base de d'huile de lin («olifa»).
Les icônes fabriquées par les Recluses Missionnaires peuvent être de différentes dimensions, selon la commande du client. Généralement, elles sont de dimensions petites ou moyennes et elles respectent les modèles de l'École russe d'iconographie. Toutefois, on peint aussi des images représentant des saints et de saintes du Québec, et ce, dans le respect des canons classiques et avec l'approbation du maître spécialiste.

Apprentissage et transmission


Étapes lors de la fabrication d'une icône
© IPIR 2009, soumis à copyright

Soeur Jacqueline Poirier, Recluse Missionnaire, a appris les techniques de fabrication d'icônes sur bois enseignées par des maîtres spécialistes, comme Denise Rioux et Alexandre Chelekov. Elle a transmis ses savoir-faire à soeur Ginette Généreux sur une période de plus de trois ans.

Localisation

Municipalité: Montréal
Région administrative: 06 Montréal
MRC: Communauté métropolitaine de Montréal
Lieu: Monastère des Recluses Missionnaires, 12 050, boulevard Gouin, Est, Montréal, H1C 1B8
Téléphone: (514) 648-6801
Télécopieur: (514) 643-1836
Site Web: http://www.reclusesmiss.org

Source

Soeur Jacqueline Poirier et soeur Ginette Généreux
Lien avec la pratique : Soeur Jacqueline Poirier fabrique des icônes sur bois depuis 1991. Elle enseigne cet art à soeur Ginette Généreux depuis quelques années.

Enquêteurs : Alina Nogradi, Maude Redmond Morissette
Date d'entrevue : 30 juin 2009


Partenaires

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