Récit de pratique cérémonielle ou cultuelle
Tradition: Christianisme
Appartenance: Orthodoxie (chalcédonienne)
Groupe: Église Orthodoxe d'Amérique / Orthodox Church in America
Diocèse, association ou regroupement: Archevêché du Canada / Archdiocese of Canada
Paroisse, congrégation ou équivalent: Saints Peter & St. Paul Sobor / Cathédrale des Saints Pierre et Paul (Montréal)
Classé sous Organisation religieuse (9200), Fabrication d’objets religieux (9290), Objet (9293)
et sous Organisation religieuse (9200), Communauté (9240), Pratique technique et artistique (9245).
Atelier d'iconographie
© IPIR 2007, soumis à copyright
Le mot « icône » (eikôn) est d'origine grecque. Il signifie « image », « portrait ». Lorsque l'image chrétienne était en formation, à Byzance, on désignait par ce mot toute représentation du Christ, de la Vierge, d'un saint, d'un ange ou d'un événement de l'histoire sacrée.
Pour l'Église orthodoxe, l'icône première et fondamentale est le visage même du Christ. Le Christ est l'image acheiropoïete (non faite de main d'homme). Tel est le sens profond de la tradition liturgique du linge (mandylion) sur lequel le Seigneur aurait imprimé sa Sainte Face. Le souvenir du visage de Jésus fut précieusement gardé en Terre sainte : c'est la représentation réaliste, dite « syrienne », qui l'emporta dans l'art chrétien sur l'allégorie hellénistique (O. Clément 2002, p. 98 et 99). La tradition orthodoxe attribue les premières icônes de la Vierge à l'évangéliste saint Luc qui en aurait peint trois après la Pentecôte (Ouspenski 1980, 35). Les premiers témoignages historiques des icônes de saint Luc datent du VIe siècle. La vénération des images saintes (icônes, chip ou icoana (ro), obraz (ru), est un dogme de la foi, formulé par le septième concile oecuménique, qui ordonne de placer les icônes « à l'égal des images de la précieuse croix, source de vie, dans toutes les églises de Dieu, sur les vases et les vêtements sacrés, sur les murs, sur les planches, dans les maisons et sur les voies publiques » (O. Clement 2002, L. Ouspensky 1980).
Pour affronter les iconoclastes, la pensée orthodoxe a fortement souligné que l'icône « n'est pas consubstantielle à son prototype : l'icône du Christ ne fait pas double emploi avec l'eucharistie, elle inaugure la vision face à face. En représentant l'humanité déifiée de son prototype (ce qui implique... un élément « portraitique » transfiguré mais ressemblant), c'est donc une personne et non une substance que l'icône fait surgir » (O. Clément 2002, p. 100).
Emanuel le peintre iconographe
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En tant que manifestation picturale de l'expérience ascétique de l'orthodoxie, l'icône a une importance éducative capitale. Son rôle constructif ne réside pas seulement dans l'enseignement des vérités de la foi chrétienne, mais de la formation de l'homme entier (Ouspensky, p. 160). Plus qu'un apprentissage l'icône est aussi un moyen : elle est une prière et de là résulte sa valeur sacramentelle. Autrement dit, l'icône est un témoignage visible tant de l'abaissement de Dieu vers l'homme que de l'élan de l'homme vers Dieu (Ouspensky, p. 174). La valeur mystique est aussi importante que la valeur pédagogique. La grâce divine repose dans l'icône. C'est là le point le plus mystérieux de sa théologie : la « ressemblance » au prototype et son « nom » font la sainteté objective de l'image (Olivier Clément 2002, 101). Chaque fois qu'on voit leur représentation par l'image (il s'agit de la représentation de notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus-Christ, de la sainte Mère de Dieu, des anges ou des saints et des saintes), chaque fois on est incité en les contemplant à se rappeler les prototypes. Car l'honneur rendu à l'image va à son prototype et celui qui vénère l'icône vénère la personne qui s'y trouve représentée (O. Clément 2002, p. 101 et 102). L'icône met en contact l'individu avec Dieu. Elle te rappelle toujours de Lui. En l'accrochant aux murs, c'est comme si on regardait Dieu. L'icône est une « fenêtre dans le ciel ». Elle est une présence continue de la divinité.
Lorsqu'on commence à peindre une icône, on se rend compte qu'il ne s'agit pas d'une peinture ordinaire,dans le sens orthodoxe du terme. Les Occidentaux ont eux aussi des icônes, mais elles sont devenues des tableaux. Le sacrement est sorti de l'icône et, par conséquent, elle est devenue une peinture religieuse. Mais les orthodoxes ont gardé cette image originaire que l'icône est sacramentelle (Emilian). Chez les monarques, la peinture des icônes représentait la plus profonde obéissance. Pourquoi? Parce que, dans une icône, les gestes, la lumière, les vêtements, les couleurs, la perspective et tous les détails ont une signification sacrée, loin de toute signification terrestre. C'est une révélation, une ouverture, une apparition, une théophanie. Le monachisme slave et orthodoxe met l'accent sur une démarche apophatique (directe avec l'absolu), « qui ne peut pas être décrit ni défini ». Alors, tout ce qui signifie prière est en fait la préparation de l'être pour recevoir la compréhension qui apparaît comme une illumination, une révélation. Et la peinture d'une icône induit la relation la plus intime entre l'homme et Dieu. Faire une icône suppose la réunification dans la prière de l'esprit et du coeur. Leur unification transforme le peintre en instrument capable d'imprimer la sacralité dans la matière. Les icônes sont généralement peintes sur le bois. Il y a aussi des icônes peintes sur le verre, mais il s'agit plutôt d'art populaire. Le premier niveau est le dessin qui transpose l'image de base de l'icône. Le dessin n'est qu'un schéma. Fait au crayon, il respecte les proportions du modèle de référence.
Même si chaque peintre a son style, il est obligatoire de respecter les canons iconographiques. L'étape la plus difficile dans la peinture d'une icône est sa personnalisation, la reproduction du visage, des mains, des pieds. Il faut être « pur » physiquement et spirituellement pour pouvoir franchir cette dernière étape. Il faut s'éloigner des choses et des problèmes terrestres, il faut jeûner et prier (Emanuel). Dès le XVIIe siècle, l'iconographie orthodoxe russe et ensuite grecque (au XIXe siècle) a connu une décadence causée par l'apparition d'images médiocres d'origine occidentale. Mais l'intérêt pour l'icône, éveillé en Russie à la veille de la Révolution, par l'influence de la nouvelle peinture française, non naturaliste, aboutit de nos jours à une prise de conscience de la théologie de l'icône chez les iconographes et les théologiens russes, tels Léonide Ouspensky ou Grégoire Krug. Il y a aussi un important retour vers la fresque traditionnelle animée en Russie par le moine Zénon, en Grèce par l'école de Photis Krug et en Roumanie par le père Sofian (O. Clément 2002, p. 104).
La fabrication de l'icône
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Pour Emanuel qui ne se considère pas iconographe, la peinture des icônes est le résultat de plusieurs lectures à caractère religieux, de l'étude de l'art en général et de l’art religieux pendant son enfance et son adolescence. L'Église orthodoxe n'a pas toléré la peinture d'icônes suivant l'imagination du peintre ou d'après un modèle vivant, « car cela signifie une rupture consciente et totale avec le prototype… ». Afin d'éviter cette brèche, les iconographes se servent comme modèles des icônes anciennes et de manuels. Les anciens iconographes connaissaient les visages des saints tout aussi bien que ceux de leurs proches. Ils les peignaient soit par coeur, soit en se servant de croquis ou des portraits. En effet, lorsqu'une personne avait acquis une réputation de sainteté, dès sa mort et bien avant sa canonisation officielle et l'invention de ses reliques, on faisait son image pour la répandre chez les croyants (Ouspensky 1980, 151). Lorsque la tradition vivante commença à se perdre (vers la fin du XVIe siècle), la documentation dont se servaient les iconographes fut systématisée et c'est alors qu'apparurent les manuels qu'on appelle podlinniks. Ils fixent l'iconographie typique des saints et des fêtes en indiquant les couleurs principales. Lorsqu'ils ne sont pas illustrés, ils contiennent de brèves descriptions qui caractérisent les saints et mentionnent aussi les couleurs à utiliser. Cependant, Ouspenky ne considère pas les podlinniks comme ayant la même signification et le même rôle que le canon iconographique ou la tradition sacrée (Ouspenski 1998, p. 151).
Selon Emanuel, « Au début, l'iconographie était un privilège spirituel. Il était interdit au laïque de faire des icônes. Celui qui n'appartenait pas au milieu, celui qui n'avait pas la bénédiction du prêtre ne pouvait pas commencer à peindre des icônes... Dans le monachisme, il y a une catégorie à part de moines qui peignaient des icônes. Parmi eux, la peinture des icônes est considérée comme la plus profonde obéissance». Les icônes étaient peintes soit dans les maisons privées, soit dans des monastères. Ces ateliers étaient simultanément lieux de peinture et de prière. Initialement, « les monastères fournissaient les icônes aux églises. Avec le temps, la demande s'est accrue et il y avait de moins en moins d'iconographes qui pouvaient répondre à la demande… De plus, certains ont commencé à travailler pour les riches. Pourquoi? Les personnes aisées ont senti les bienfaits des icônes, les guérisons... En plus, souvent ils ne pouvaient pas aller à l'église prier. Alors, pourquoi ne pas apporter l'église chez eux, par l'entremise de l'icône? Ensuite, l'apparition des collectionneurs a induit une mutation dans la signification de l'icône. Plus l'icône était ancienne, sainte, belle, plus les coûts augmentaient. Ainsi, l'icône (en tant qu'objet de culte) s'est transformée en produit de commerce, en objet d'art. Les collectionneurs n'achètent pas une icône pour sa valeur sacramentelle, mais pour sa beauté artistique » (Emanuel).
Municipalité: Montréal
Région administrative: 06 Montréal
MRC: Communauté métropolitaine de Montréal
Lieu:
Cathédrale des Saints Pierre et Paul, 1175, rue de Champlain, Montréal, H2L 2R7
Téléphone: 514 522-2801
Télécopieur: 514 523-1011
Site Web: http://www.peterpaul.sobor.ca
Hutira Taras Emanuel
Titre, rôle et fonction : Hutira Taras Emanuel travaille à la cathédrale des Saints Pierre et Paul de Montréal.
Enquêteurs : Iurie Stamati, Daniela Moisa
Date d'entrevue : 5 novembre 2007
La réalisation de l’Inventaire du patrimoine immatériel religieux a été rendue possible grâce à l’appui de six partenaires: