Récit de pratique culturelle
Tradition: Christianisme
Appartenance: Catholicisme (rite latin)
Diocèse, association ou regroupement: Diocèse de Montréal
Communauté religieuse: Dominicains
Classé sous Organisation religieuse (9200), Structure (9210), Structure communautaire (9214)
et sous Organisation religieuse (9200), Communauté (9240), Pratique coutumière (9242).
Saint-Albert-Le-Grand, maison des Dominicains
© IPIR 2012, soumis à copyright
Les Dominicains canadiens font partie de l’ « Ordre des frères prêcheurs » (O.P.) fondé en 1216 par Dominique de Guzman, prêtre espagnol. Ce groupe de prédicateurs est né de la confrontation du fondateur avec les hérésies cathares et les Albigeois qui régentaient alors la foi chrétienne dans le sud de la France. Sous la gouverne du 87eme supérieur général, appelé Maître de l’Ordre, les Dominicains sont à travers le monde environ 6000 religieux répartis en 49 provinces régionales. La province canadienne est de ce nombre et célèbre présentement cent ans d’existence (1911-2011).
Depuis les origines, les Dominicains se sont donné un style de vie apostolique, ne retenant des Ordres monastiques, Bénédictins et Cisterciens, que les éléments susceptibles de les habiliter au service de la foi et de la prédication. Quatre piliers indissociables ont toujours et sans réforme soutenu la vitalité de leur structure apostolique : la prière chorale, l’étude, la vie fraternelle et la prédication sous toutes ses formes.Quelle que soit la forme inaltérable de la vie apostolique dominicaine, elle connut en 1968, au Canada et dans le monde entier, l’ « aggiornamento » imposé par le concile Vatican II (1962-1965) à toutes les communautés religieuses. L’Ordre et chacune des provinces dominicaines durent mettre à jour leur façon de vivre les Constitutions, de façon à pouvoir répondre plus efficacement aux attentes du monde et aux « signes des temps », pour reprendre l’expression de Jean XXIII.
Dans la province canadienne, cette réflexion se fit en 1969. Un chapitre, rassemblement représentatif des Dominicains canadiens, fut alors convoqué pour voir comment appliquer les Constitutions révisées par le chapitre général de 1968. Les discussions furent animées puisque les religieux ne s’entendaient pas sur la manière de faire cette mise à jour. Pour la majorité, les piliers de l’Ordre demeuraient. Sans ébranler d’aucune façon la structure dominicaine, ce chapitre perturba quelque peu la vie dominicaine tout en maintenant l’accent sur la vérité contemplée, vécue et prêchée concernant les problèmes de ce temps. Mais cette difficile mise à jour eut comme conséquence le départ de plusieurs religieux. Dans la suite des ans, la province dominicaine vit donc ses effectifs diminuer. Ainsi sommes- nous passés progressivement en raison des mortalités et départs, de cinq cents à quelques cent soixante.
L'Horaire des offices
© IPIR 2012, soumis à copyright
La formation et la vie régulière des Dominicains ont beaucoup changé depuis mon entrée dans les années « 40 ». Au début, le programme de formation était simple. Pour les frères non prêtres, appelés frères coopérateurs, la formation avait comme objectif la prière et la contemplation sans oublier l’apprentissage de travaux susceptibles de seconder les frères prêtres dans leur mission. Pour ceux-ci, après un an de formation au noviciat, suivaient sept années d’étude en philosophie et en théologie, au cours desquelles le candidat était ordonné prêtre.
Avant le concile de Vatican II, la vie était très régulière. Levé à 5h30 du matin, suivait la méditation et l’office choral : les laudes, prime et tierce le matin, sexte le midi, vêpres le soir avant le souper, les complies et l’office des lectures en soirée. La vie au noviciat était axée sur la lecture de la Bible, la vie des saints et l’étude des Constitutions. Le maître des novices donnait régulièrement une conférence.
Pour toute la communauté, les repas étaient pris en silence avec lecture à haute voix. Jusqu’en 1960, fidèle à une très vieille coutume espagnole, il y avait abstinence de viande à l’année longue. Après le repas, les religieux se réunissaient dans une salle commune pour échanger, partager leur vécu pastoral ou tout simplement lire les journaux. Il s’agissait d’une heure de récréation. Présentement, ce partage se fait aux repas où chacun peut partager avec ses voisins et s’alimenter de mets divers.
Après la mise à jour de 1969, la vie régulière devint quelque peu moins contraignante qu’autrefois. Une vie plus autonome prend le pas sur une vie plus encadrée et plus communautaire. Entrées chez les Dominicains vers l’âge de 20 ans, plus jeunes encore pour les frères non prêtres, le couvent, maison de vie et de ressourcement, a vécu depuis de très grands changements dans son rythme de vie sinon dans son esprit.
Chaque religieux se conforme depuis à la vie commune selon les disponibilités que lui laisse son ministère. L’obéissance, seul vœu que font les Dominicains, couvrant non moins les exigences de pauvreté et de chasteté, devint moins stricte qu’autrefois et les religieux avaient beaucoup plus de latitude pour établir un consensus sur leur vie personnelle et conventuelle face à leurs supérieurs. Une meilleure compréhension de la maturité humaine avait assoupli les rigueurs de l’obéissance. Celle-ci est alors vécue communautairement comme une réponse aux « signes des temps ». Il s’avère ainsi normal de négocier avec les supérieurs selon les contraintes apostoliques et personnelles de chacun. Pour nous Dominicains, la vie régulière n’est plus une soumission à un règlement mais plutôt l’expression d’une nécessité apostolique : besoin de prière, de silence, de solitude contemplative et de lieux communs pour échanger ou partager. Ce qui n’empêche que la cellule ait toujours été encore après des siècles « lieu de silence profond », d’étude et de contemplation.
La vie fraternelle demeure malgré tous ces changements essentielle à la vie dominicaine. Des temps de réunions, nommés chapitres, permettent de discuter ensemble de la qualité de vie commune, des problèmes qui se posent et des suggestions à apporter sans oublier les grands objectifs de la mission apostolique, « les signes des temps ». Ce partage n’est pas toujours facile, il exige sympathie, empathie et capacité d’écoute. Les Dominicains ont toujours, par formation, favorisé la liberté de pensée et d’action et les supérieurs en général laissent les religieux vaquer à des engagements pour lesquels ils possèdent un charisme personnel.
La prière, un des piliers essentiels à la vie dominicaine, est personnelle et communautaire. La prière chorale, l’occasion pour les religieux de prier ensemble avec solennité, a été depuis 1969 modifiée pour ne comporter que l’office de laudes le matin, la prière du midi et vêpres en soirée. Elle est ainsi moins condensée et élaborée que celle des Bénédictins car saint Dominique a plutôt voulu mettre l’accent sur l’étude, la contemplation et la prédication. Cet office communautaire scelle les liens de fraternité, renforce l’ardeur pastorale et assure aussi un service d’Église. Les religieux assument ainsi un devoir envers Dieu et le monde.
Avant le concile Vatican II, les Dominicains canadiens vécurent une période de grande effervescence sur le plan intellectuel. Nous vivions à l’ombre des universités. Dans ce monde universitaire, les Dominicains enseignaient la philosophie, la théologie, les sciences et l’éthique. Ils prenaient alors ouvertement position sur les grandes questions du temps présent. Dans ce lieu de rayonnement intellectuel qu’était le couvent dominicain régnait une certaine liberté de pensée personnifiée par des figures telles que les pères Louis Lachance, Régis, Mailloux, Georges-Henri Lévesque, Mailhot, Desmarais et Méthot. Plusieurs ont enseigné soit à l’Université Laval, soit à l’Université de Montréal. Témoins de ce travail de réflexion et de recherche, les Dominicains fondèrent des revues telles que Maintenant, Communauté chrétienne et Présence magazine, dans lesquelles étaient traités de grands thèmes de pastorale, liturgie, catéchèse, prédication et éthique. À partir de 1960, la Province dominicaine canadienne a davantage investi dans l’Institut de Pastorale, centre de formation universitaire en théologie pastorale, fréquenté chaque année par près d’une centaine de laïcs, agents de pastorale ainsi que des prêtre et religieux.
Telle fut donc l’évolution de la vie dominicaine au Canada depuis ces quelques soixante années vécues dans un Ordre qui malgré toutes les crises qu’il dut traverser et les changements qu’il vécut est toujours demeuré fidèle à ses origines et à sa tradition séculaire.
Municipalité: Montréal
Région administrative: 06 Montréal
Lieu:
Institut de pastorale des Dominicains à Montréal, 2715, Chemin de la Côte Sainte-Catherine, Montréal, H3T1B6
Téléphone: 514-341-2244
Télécopieur: 514-341-3233
Site Web: http://www.dominicains.ca
Père Jacques Sylvestre
Lien avec la pratique : Jacques Sylvestre, dominicain, membre de l’Ordre de saint Dominique depuis presque 70 ans. Au fil des années, il a cumulé plusieurs responsabilités : formateur, prédicateur, enseignent et curé de paroisse.
Enquêteurs : Marjolaine Boutin, Francesca Désilets
Date d'entrevue : 28 février 2012
La réalisation de l’Inventaire du patrimoine immatériel religieux a été rendue possible grâce à l’appui de six partenaires: